RDVI 7 : Interview de Noémie Rubat du Mérac

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RDVI 7 : Interview de Noémie Rubat du Mérac

« L’éducation aux images, un moyen pour se connaître et pour aller vers l’Autre »

 

Comment les Rendez-vous de l’Image s’inscrivent-ils dans l’actualité ? Comment et pourquoi associer les outils d’éducation aux images avec les enjeux d’égalité et de citoyenneté ?

Zoom sur la septième édition des Rendez-vous de l’Image avec Noémie Rubat du Mérac, chargée de projets d’éducation aux images au sein de la Maison de l’Image.

 

Pourquoi réitérez-vous en 2019 la thématique des Rendez-Vous de l’Image de 2014 ?

Les Rendez-vous de l’Image 2014 s’inscrivaient dans un contexte qu’il est important de rappeler : c’était au moment de « l’ABCD de l’égalité », un outil développé par le Ministère de l’Education Nationale pour favoriser l’égalité filles-garçons. Cet outil a finalement été abandonné plus tard (en juin 2014) et n’a pas été mis en œuvre.
Un peu plus tôt, en 2013, avait été voté le mariage pour tous. On a senti l’importance de travailler sur la question de l’égalité femme-homme au travers des images et des médias.

En 2018, les RDVI avaient pour thématique “Intimité, images, réseaux sociaux : exister et vivre ensemble à l’ère numérique”. A l’issue de cette journée, des participants ainsi que des partenaires nous ont fait part de leur souhait – assez unanime – de travailler de nouveau sur la question de l’égalité femmes-hommes. On sent bien que le traitement médiatique de cette thématique a évolué.

Dans l’édito, je fais référence au mouvement #MeToo, à l’Affaire Weinstein, etc. Ces faits marquants ont libéré la parole. Avec l’émergence des réseaux sociaux aujourd’hui, nous avons des témoignages qui n’étaient pas possibles avant. Désormais, l’auditoire est à l’écoute, même si ce phénomène a aussi ses limites. Parfois, il y a même des débordements quand il n’y a pas de modération.

En tant que pratiquante assidue des réseaux sociaux, je constate qu’on y traite de plus en plus des publicités sexistes, on trouve des podcasts ou des comptes Instagram qui se créent en traitant des questions féministes ou qui revisitent les différentes formes de masculinités. Tout cela est très récent, beaucoup de choses ont évoluées depuis 2014. C’est pour cela qu’il est pertinent de se tourner de nouveau vers le sujet de l’égalité sous le prisme de l’éducation aux images et aux médias.

 

En quoi l’angle est-il différent cette année ? 

Nous avons envie de questionner la manière dont chacun se représente sur les réseaux sociaux. Cette exposition de soi nous donne l’occasion d’explorer notre propre identité, avec la prise de conscience que par sa propre représentation, on donne à voir un modèle aux autres. Les rôles-modèles positifs, moins stéréotypés, sont très importants pour permettre de se construire de manière libre.
Une nouveauté de cette année : pour organiser les RDVI, nous avons lancé un appel à participation, afin de recueillir les propositions de différents intervenants et de mobiliser les propositions de jeunes pour enrichir le programme.

 

La volonté de casser des stéréotypes ne peut-elle pas produire un effet inverse et contribuer à la création de nouveaux stéréotypes, opposés à ceux que nous avons l’habitude de voir ?

Face aux images, nous faisons des raccourcis, chacun y voit ses propres représentations, car nous recevons toutes et tous une image de façon singulière. Ce n’est jamais « la vérité ». Quand on fabrique une image ou une séquence d’images, il est difficile d’être dans cette complexité et dans les nuances. On va facilement produire d’autres stéréotypes. On peut aussi se retrouver dans la caricature, parce qu’on ne donne à voir qu’une facette du sujet montré. Avoir conscience que notre interlocuteur peut être empreint de stéréotypes nous encourage à rechercher un message nuancé dans nos productions d’images. Cette prise de conscience nous permet aussi de prendre du recul sur la façon dont on reçoit des images. Il s’agit de ne pas oublier que ce que l’on voit n’est qu’une partie de la personnalité de l’autre, laquelle reste complexe. En cela, l’éducation aux images représente un bon moyen pour se connaître et pour aller vers l’Autre avec un grand A.

 

Comment éviter les stéréotypes ?

Je ne pense pas qu’il y ait de recettes pour les éviter, mais je crois beaucoup dans le fait d’échanger autour des images : partager des images, en parler et à partir de cet échange comprendre qui est l’autre et voir qu’on peut avoir beaucoup de points en commun tout en étant distincts les uns des autres. La question de l’empathie est importante ici : venir se mettre à la place de l’autre pour essayer de comprendre ce qu’il peut ressentir.

 

En quoi les approches proposées lors des 3 temps des RDVI sont différents ?

[ndlr : Jeudi 28 mars : journée professionnelle / Vendredi 05 avril : journée scolaire / Vendredi 12 avril : soirée familles ]

Sur la journée pour les scolaires, on accueille des classes qui ont des projets et des propositions sur l’égalité filles-garçons à présenter à d’autres élèves. Montrer son travail et voir celui d’autres classes est aussi intéressant que de recevoir le discours d’un intervenant. D’autre part, on leur propose de s’essayer à de nouvelles pratiques en étant dans une action collective, dans la créativité. Ceci est très formateur. Avec cet enjeu de l’éducation populaire, on réfléchit à des modes de transmission qui soient le plus opérants possibles et qui correspondent au support « images » et à notre société qui évolue.

La soirée “familles” s’organise sous forme ludique avec des jeux dans le cadre de temps organisés régulièrement avec d’autres acteurs de la Maison des Habitants, du Patio de la Villeneuve : la Ludothèque, la Bibliothèque et le Barathym. C’est une façon d’interpeler le public sur des sujets qui peuvent paraître sérieux tout en partageant des moments de plaisir et en étant dans l’esprit de rencontre. Notre objectif ici est de sensibiliser et de toucher des publics différents.

 

Quel est l’enjeu principal de la journée professionnelle ?

Il y a un fort enjeu d’interactivité : on vise à faire participer le public, qu’il puisse s’exprimer, trouver sa place et se sentir à l’aise dans cet événement. Bien évidemment l’intention principale est d’outiller les personnes qui ont envie de s’emparer de cette question pour essayer de sensibiliser les personnes qui sont loin de ces sujets.
Un autre enjeu se construit autour de l’expérience Médialab, qui cette année sera accompagné par UrbanProd avec Emmanuel Vergès. L’objectif est de donner l’opportunité aux participants d’apprendre à documenter un évènement, de créer de la matière audiovisuelle, en images, en textes, pour conserver la mémoire, donner de la visibilité et pouvoir transmettre.

 

Pourquoi est-ce important aujourd’hui d’associer le sujet de l’égalité avec celui de l’éducation aux images ?

Il y a très clairement un enjeu de société, un enjeu démocratique, un enjeu d’égalité et d’émancipation. La finalité est d’éviter que chacun se confine dans des rôles opprimants. Il y a un enjeu de prévention, par exemple, au cyber harcèlement. On l’a vu récemment avec la Ligue du Lol, mais on sait que ça existe partout, ces « boys club » qui sont là pour atteindre et conserver le pouvoir au sein du réseau. Il faut faire en sorte que l’égalité entre les hommes et les femmes puisse réellement exister. C’est un enjeu démocratique.
Il y a aussi la question des minorités, des personnes qui se disent non-binaires, des transgenres, de la communauté LGBTQI+. C’est une question de l’ordre du vivre ensemble avec l’objectif de faire disparaître les problématiques d’homophobie, etc.
Par rapport à l’éducation des enfants, permettre aux petits garçons aussi bien jouer au camion qu’à la poupée, c’est important, comme permettre à des petites filles de jouer au foot si elles le désirent.

 

Comment peut-on projeter l’évolution de la question de l’égalité dans le futur ? 

C’est difficile de se projeter, car dès qu’on a le sentiment de progression, il y a aussi des retours en arrière, des courants réactionnaires, masculinistes. 
Un des aspects de l’éducation à l’égalité reste l’éducation à la vie affective et sexuelle. On le voit apparaître notamment au travers des réseaux sociaux. Des comptes Instagram, par exemple, œuvrent à valoriser une autre sexualité, notamment féminine. Il est intéressant de voir la façon dont les médias relatent la sexualité en dehors du porno. 
Je pense qu’il y a encore tout un champ ouvert sur ces questions, en particulier dans les médias. Et en même temps Instagram supprime régulièrement des comptes qui sont sur ces sujets-là, la censure est donc toujours présente.

Les médias et les images sont des reflets de notre société. On peut agir sur les images pour les faire évoluer, en en proposant d’autres, en intervenant auprès des médias pour qu’ils fassent évoluer leur propre production d’images. L’enjeu est celui de leur montrer que nous en attendons d’autres.

 

Propos recueillis par Yuliya Ruzhechka


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